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Lumière, Amour et Espoir

 Sri Raghavan Iyer – Etats-Unis

SRI 3 yes

L'auteur

La Lumière est le premier engendré, et la première émanation du Suprême, et la Lumière est la Vie, disent l'évangéliste et le cabaliste. Les deux sont de l'électricité - le principe de vie, l'anima mundi, imprégnant l'univers, le vivificateur électrique de toutes choses. La Lumière est la grande magicienne protéiforme, et sous la volonté divine de l'architecte, ou plutôt des architectes, les « Bâtisseurs » (appelés Un collectivement), ses multiples et omnipotentes ondes ont donné naissance à toute forme ainsi qu'à tout être vivant. De son sein électrique gonflé, jaillissent la matière et l'esprit. Dans ses rayons se trouvent les débuts de toute action physique et chimique, et de tous les phénomènes cosmiques et spirituels ; il vitalise et désorganise ; il donne la vie et produit la mort, et de son point primordial ont progressivement émergé dans l'existence des myriades de mondes, des corps célestes visibles et invisibles.

                                                                                                                                                                                                                                            La Doctrine Secrète, i 579

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Le mantra métaphysique « La lumière est la vie et les deux sont l'électricité » suggère une profonde intuition qui n'est réalisée qu'aux plus hauts niveaux de méditation. Videz l'esprit de tous les objets et sujets, de tous les contrastes et contours, dans un monde de noms, de formes et de couleurs, et l'on peut plonger dans la Divine Ténèbre absolue. Une fois dans ce royaume du pur potentiel, on peut appréhender le noumène caché de la matière, cette substance ultime ou substrat primordial qui est la somme totale de tous les objets de perception possibles par tous les êtres possibles. En même temps, on peut appréhender l'Esprit comme la totalité de toutes les expressions, manifestations et radiations possibles d'une énergie divine centrale ou Lumière. Dans cette Divine Ténèbre, le royaume du potentiel illimité où rien n'existe, l'amour est comme la Lumière qui est cachée dans la Ténèbre. Cette Lumière est l'origine de tout ce qui est latent, de tout ce qui émergera et persistera jamais, tout ce qui s'écartera de la forme tout en demeurant comme des rayons immaculés.

Ce royaume primordial de la Lumière potentielle et de la Vie potentielle est aussi le royaume de l'énergie potentielle. Dans ce royaume pré-génétique, où il n'y a pas de manifestation, on peut appréhender une énergie toute potentielle qui ne produit aucune interaction entre l'Esprit latent et la matière nouménale. Ce n'est pas de l'électricité dans un sens manifeste, ni aucune force qui peut être interprétée en termes de langage ordinaire ou de perception du sens commun ; c'est un courant primordial. Même les conceptions les plus abstraites de la science pure ne peuvent pas atteindre ce domaine, où existe une vibration électrique cosmique si fondamentale et omniprésente qu'elle ne peut être localisée ou caractérisée d'aucune manière particulière. De cette Ténèbre Divine – de cette Lumière potentielle, de la Vie latente et de l'énergie cachée – il y a un devenir en manifestation. Il y a un processus de rayonnement et d'émanation dans lequel une myriade d'étincelles volent. Il y a une coalescence du rayon primordial initial d'énergie lumineuse et des courants de vie latents qui libèrent des pulsations, des radiations et des courants qui s'écoulent dans toutes les directions.

À ce stade du cosmos naissant, Gupta Vidya affirme la présence de grands êtres, de grands esprits et de grands cœurs, de grandes âmes perfectionnées dans les périodes d'évolution antérieures. Restant éveillés pendant la longue nuit de la non-manifestation – n'ayant pourtant aucun objet de référence particulier et aucune conception particulière dans l'état de Mahapralaya – ils demeuraient dans un état de contemplation vigilante, incessante et harmonieuse de tout ce qui était potentiel. Ces êtres émergent avec le bourgeonnement de la Lumière et de la Vie primordiales, la réverbération primordiale de l'énergie divine à travers l'essence vitreuse de l'espace. Ils deviennent l'instrument de focalisation dans ce qu'on appelle alors l'Esprit Universel ou Mahat. Ils deviennent la lentille vivante à travers laquelle tout ce qui est latent dans la nuit de la non-manifestation est éveillé dans la vie active. Ces êtres perfectionnés, qui sont plus tard mythifiés dans toutes les religions du monde en tant que Dhyani-Bouddhas, Archanges, Seigneurs de la Lumière, deviennent des agents auto-conscients de la direction et de la concentration dans un monde émergeant de particularisations primaires d'une essence qui est par ailleurs universelle, purement potentielle et entièrement homogène. Dans l'intérêt de la méditation, ils peuvent être considérés comme des rayons de couleur et des sons émis dans des gammes musicales transcendantales. On peut alors, à son tour, les considérer comme appartenant à sept classes, chacune correspondant à une note subliminale ou à une couleur. Chacun d'eux correspond à un nombre ou degré de différenciation particulier, et ils fonctionnent tous à l'unisson. On peut les imaginer comme ayant leurs propres notes, couleurs et nombres différenciés mais aussi comme unissant et synthétisant les multiples puissances du Logos manifesté. Dans cet état ontogénétique antérieur, juste avant la manifestation, il y a un immense champ subtil, une énergie électrique pré-cosmique qui est parfois appelée Daiviprakriti – la Lumière nouménale du Logos.

Dans le monde de la manifestation visible, les phénomènes identifiés comme l'électricité et le magnétisme, la lumière et la chaleur, sont des effets observables de ce rayonnement Logoïque primaire. Aussi gigantesques et titanesques soient-ils, ils ne sont pourtant que des ombres de matière supra-sensorielle en mouvement sur un plan nouménal antérieur au royaume des phénomènes. L'étude de l'énergie-lumière en manifestation implique des courbes et des relations complexes et nécessite l'utilisation de nombreuses catégories et instruments. C'est le domaine de la diffraction et de la diffusion, de la réflexion et de la réfraction, dans lequel il existe des possibilités complexes dues à l'interférence et au chevauchement, ondes sur ondes, de l'énergie lumineuse. C'est simultanément le royaume des photons, des particules d'énergie lumineuse voyageant à une vitesse incroyable, de sorte que la lumière de la lune arrive à la terre en une seconde. La notion de lumière en tant qu'agent complexe, quoique pratiquement instantané, ayant un impact à tous les niveaux du cosmos remue le cœur bien avant qu'il ne puisse être vraiment saisi par le mental. Le cœur comprend la signification vitale de la vie parce qu'il résonne avec ce qui est primordial, omniprésent et instantané. Dans chaque cœur humain brûle un feu de lumière-sagesse et d'amour-compassion, Prajna et Mahakaruna. Cette étincelle du Feu Unique scintille par intermittence dans le néophyte au début, mais elle peut être alimentée en une flamme puissante qui brûle vigoureusement, régulièrement et sans cesse. Dans sa plénitude, il dirige et guide les individus dans l'application étendue et sage de l'énergie illimitée qui découle de l'amour-compassion insondable et de la lumière-sagesse dans le cœur spirituel. Le cœur monadique de chaque être humain est un miroir exact du cœur du cosmos, ce sein électrique gonflé d'où émerge le double flux d'esprit-matière.

Le Sixième principe dans l'Homme (Bouddhi, l'Âme Divine) bien qu'un simple souffle, dans nos conceptions, est encore quelque chose de matériel par rapport à l' ’Esprit’ divin (Atma) dont il est le porteur ou le véhicule. Fohat, en sa qualité d'AMOUR DIVIN (Eros), le Pouvoir électrique d'affinité et de sympathie, est montré allégoriquement comme essayant d'amener l'Esprit pur, le Rayon inséparable de l'UN absolu, en union avec l'Âme, les deux constituant dans l'Homme. la MONADE, et dans la Nature le premier lien entre le toujours inconditionné et le manifesté.

                                                                                                                                                                                                 La Doctrine Secrète, Tome 1, p. 119

La présence de cette Lumière, Feu et Flamme divins dans le cœur secret signifie que chaque être humain est capable de voir et d'éclairer une sphère d'existence beaucoup plus vaste qu'il n'est généralement prêt à habiter consciemment. De même, chaque être humain a une capacité d'amour sans effort beaucoup plus riche et plus profonde qu'il ne l'imagine, un amour spontané et désintéressé, ne demandant rien et prêt à donner librement, gracieusement et généreusement à tous. Pourtant, peu de cet immense amour et de cette énergie lumineuse a une chance de se manifester dans un monde de masques et d'ombres, un monde de mensonges, de peurs et de solitude personnelle. Telle est la situation difficile de l'humanité. Pourtant, cette même humanité orpheline, qui a à peine commencé à puiser dans une infime fraction de son potentiel insondable et illimité, peut le faire si elle cherche à soutenir une conception de l'existence qui va au-delà de toutes les divisions et dichotomies habituelles. Il faut transcender les distinctions telles que la jeunesse et la vieillesse, les rôles sociaux et les étiquettes externes. Même si l'esprit s'est émoussé et le cœur entaché, il faut désapprendre toutes les habitudes étouffantes et devenir capable de retirer l'esprit et le cœur des allégeances fausses et éphémères. Ce n'est qu'ainsi que l'on peut restaurer la plasticité et la résilience de l'esprit et du cœur.

Dans diverses sociétés à différents moments de l'histoire enregistrée, les chercheurs ont essayé de relever ce défi en entreprenant une discipline monastique systématique. Ils ont essayé de s'aider les uns les autres et de se lier par des règles, des vœux et des engagements choisis par eux-mêmes et inexorables. Par un renforcement répété de ces résolutions fondamentales, ils ont cherché à développer un mode de vie visant à l'auto-régénération spirituelle. Pourtant, malgré cela, maintes et maintes fois dans l'histoire, ces institutions monastiques, ayant prospéré pendant un certain temps, ont invariablement dégénéré. L'impulsion vitale est sortie d'eux et les gens en sont venus à n'être pris que dans l'imitation, dans le jeu et dans des mimétiques rituelles et vides de sens. La leçon de ce schéma répétitif est qu'aucune quantité d’enrôlement extérieur ne peut fonctionner à moins qu'elle ne s'accompagne d'une concentration suffisante et d'une continuité de l'idéation à travers la méditation de l'intérieur. On ne peut pas forcer un autre être humain à devenir un méditant ou une méditante. Un être humain doit porter le désir de faire cela, suffisamment fort pour lui permettre de voir à travers la mascarade de ce qui est faux et trompeur dans ce monde.

Chaque être humain doit individuellement venir à une réflexion profonde sur le sens de la mort et son lien avec le moment de la naissance. Et chacun doit prendre pour lui-même une décision qui lui permette d'entreprendre un ensemble librement choisi de pratiques spirituelles. Ces exercices choisis par vous-même s'avéreront, de temps à autre, extrêmement éprouvants, et ils ne peuvent être maintenus que par l'élan d'une formidable motivation. Comme tous les plus grands bienfaiteurs de l'humanité l'ont enseigné, nous devons être prêts à tout abandonner pour le bien de tous. A moins de dégager une motivation universelle, enracinée dans un amour pour toute l'humanité, on ne peut se maintenir sur le Chemin spirituel. Il est fatal de se précipiter sur n'importe quel prétexte pour affirmer qu'on aime toute l'humanité. Au lieu de cela, bien que cela prenne du temps, il faut s'attarder encore et encore sur la nature sublime et extraordinaire de cette motivation fondamentale et globale qui est représentée par le serment de Kwan-Yin et les Vœux de Bodhisattva. Ce n'est que par cette motivation, authentiquement libérée et maintenue intacte, qu'il peut y avoir un éveil de l'étincelle de la bodhichitta.

L'amour rédempteur de la partie pour le tout jaillit de l'âme immortelle. Il est d'origine immortelle et est la part de l'individu dans ce qui est universel et immortel. Derrière toutes les modifications et manifestations de la prakriti, il y a le Purusha – le seul Esprit universel indivisible connu sous de nombreux noms. Il est indestructible, sans commencement et sans fin. C'est en soi un reflet immaculé de l'essence même de la Ténèbre Divine. L'étincelle ou le rayon de cet Esprit dans chaque âme humaine est la puissance de l'amour. Il peut illuminer l'esprit et éclairer le cœur tant que l'on est prêt à tout abandonner, prêt à être seul et de tout cœur, déterminé et concentré. Alors cet amour devient une forme de sagesse, un rayon de lumière, assurant à l'heure du besoin et de la tristesse et du malheur qu'il y a de l'espoir. Il nous dit où aller et quoi faire, il conseille de rester debout et d'attendre. Cela donne une immense patience par laquelle on peut reconnaître les tendances qui entravent la libération de cette énergie spirituelle. Il y a cela dans la nature inférieure qui veut saisir et saisir, qui est aussi en même temps incertaine et inconstante, incertaine d'elle-même et désireuse de quelque chose de l'extérieur. Il faut apprendre à attendre, à abandonner et à user ce côté de soi qui est le plus faible, si l'on veut libérer le plus fort.

En attendant, avant que l'on soit capable de libérer la vraie force du cœur, et pendant que l'on est encore sous l'emprise de ce qui est plus faible, on peut apprendre. On peut découvrir les schémas, les instabilités et les vulnérabilités de sa nature. Ce processus d'apprentissage diagnostique ne peut cependant porter ses fruits s'il n'est équilibré par une profonde adoration de ces Dhyani-Bouddhas qui soutiennent le cosmos. On doit délibérément placer l'esprit et le cœur dans le champ magnétique d'attraction de l'idéal, la puissante Armée des Dhyanis et des Bodhisattvas. On peut les considérer comme des galaxies d'êtres éveillés qui sont des forces cosmiques, des faits vivants dans la Nature invisible, et en même temps des exemples brillants pour l'humanité dans le monde visible. En entendant parler d'eux et en étudiant les textes sacrés et les nobles traditions qui ont préservé leurs Enseignements, on peut commencer à assimiler le mode de vie illustré par de tels êtres. Ainsi, on peut apprendre à vivre dans un état d'apprentissage et de lâcher-prise – apprendre avec joie et vigueur tout en abandonnant lentement le moi inconstant, craintif et furtif. Au bout d'un certain temps, on ne peut même plus concevoir de vivre autrement. On trouve une profonde satisfaction dans ce mode de vie, et par conséquent on est capable de considérer le monde non comme un receveur mais comme un donneur. Dans la solitude de sa propre contemplation, on pensera naturellement aux cœurs affamés et aux âmes délaissées que l'on peut essayer d'atteindre par un ardent désir du cœur et par une pensée intense.

En respirant au nom des déshérités du monde, on peut devenir un messager d'espoir pour les autres. Tout le monde a fait l'expérience, dans des périodes sombres de doute et de désespoir, de recevoir un éclair lumineux soudain d'inspiration et d'espoir. La gratitude pour cette lumière mystérieusement reçue peut devenir la base d'une foi et la confiance que l'on peut éclairer les autres. Si l'on persiste dans sa solitude à penser à tous ces êtres déshérités, mais dignes de sa compassion, on peut les atteindre dans leur sommeil profond et dans leurs rêves. Grâce à la force de ce que George William Russell a appelé le Héros dans l'Homme, on peut leur donner cet espoir ou cette grâce salvatrice qui les soutiendra, quelle que soit leur condition. Ainsi on forme des liens magnétiques invisibles avec d'autres êtres humains, des canaux de transmission qui peuvent se déplacer dans toutes les directions. Faire cela, c'est dépasser toute conception de salut ou de progrès individuel fondée sur une notion personnalisée et localisée d'amour ou de lumière. On apprend à se déplacer vers le soleil pour que son ombre diminue, et on commence à comprendre ce que c'est que de se tenir directement sous le soleil et de ne projeter aucune ombre. En se libérant de l'égocentrisme, on devient vraiment confiant dans sa capacité à tendre la main et à aider les êtres humains quelle que soit la distance. En lâchant prise avec toutes étiquettes externes, jetons et pseudo-preuves d'amour et de lumière, on est prêt à se prélasser, pour ainsi dire, dans la lumière et la vérité célestes, la sagesse et la compassion illimitées du Soleil Spirituel.

L'entrée dans cette lumière ne doit pas être comprise seulement en termes de métaphore mystique. Elle est également liée à la présence d'êtres réels devenus des Bodhisattvas de Compassion, des rayons provenant d'une énergie cosmique telle qu'Avalokiteshvara. En tant que seigneur qui regarde d'en haut, Avalokiteshvara peut être considéré comme étant assis dans une contemplation et un calme total, enveloppé dans un extraordinaire halo doré de pureté et d'amour parfaits. Il porte dans le regard de son œil surveillant toute l'humanité. Méditer sur ce paradigme de tous les Tathagatas et prédécesseurs, Bouddhas et Bodhisattvas, c'est restaurer son sens de l'abondance ontologique du royaume spirituel. Ainsi, on peut transcender les conceptions restrictives de l'histoire évolutive de l'humanité ou la fausse notion que la spiritualité humaine est entièrement dépendante d'événements localisés dans le passé. Au contraire, on en viendra à connaître l'humanité comme extrêmement ancienne, s'étendant sur des millions et des millions d'années et soutenue tout au long de toutes les manières par d'innombrables sauveurs, aides et enseignants. Beaucoup d'entre eux étaient d'humbles vagabonds dans des villages qui n'avaient aucune marque extérieure, ne portaient aucune étiquette et ne faisaient aucune réclamation. Néanmoins, ils ont aidé et élevé le cœur humain, donnant de l'espoir aux autres, puis passant à autre chose. Leurs vies sont un témoignage vivant et ininterrompu de la force et de la présence omniprésentes sur terre de la Tribu des Héros Sacrés.

Porter son regard sur cette perspective extraordinairement universelle, c'est commencer à voir que de nombreuses questions qui étaient autrefois gênantes ne sont plus difficiles. Dès qu'on pense l'amour de manière séparée ou en termes de contextes bilatéraux, on pense en termes d'intentions particularisées et de concepts extériorisés de la volonté. Cette volonté concrétisée est liée au fait de prouver quelque chose, de faire preuve de détermination dans un contexte, principalement par la verbalisation et le passage à l'acte. Alors que, si l'on pense en termes de vastes armées collectives d'êtres, unissant toute l'humanité par des liens invisibles, on se rapproche d'une idée de la volonté comme force universelle et impersonnelle. En s'insérant dans la fraternité invisible des véritables auxiliaires de l'humanité, on peut apprendre à faire ce qu'on peut, selon la mesure, le degré et la profondeur de ses connaissances et de ses sentiments, sans engendrer aucune fausse conception de la volonté.

Quoi que l'on fasse et de quelque manière que l'on libère la volonté supérieure, on ne fait que puiser une certaine portion à une source inépuisable et universelle. Si l'on comprend cela, on ne demandera pas d'en tirer plus qu'on ne peut en fait utiliser, ou plus qu'on ne peut supporter correctement. En d'autres termes, on commencera à voir à travers les tours joués par l'esprit humain, qui est le grand trompeur et l'adversaire de l'homme, lorsqu'il essaie d'échapper à ce qui peut être fait en exigeant plus. Lorsque le mental insiste sur le fait qu'il doit savoir si sa part d'amour et de lumière est adéquate par rapport à son but ou à sa conception de soi, il devient le grand trompeur et obscurcit la lumière et l'amour qui sont latents dans chaque âme humaine. Beaucoup de questions soi-disant philosophiques et de préoccupations spirituelles ne sont en réalité que ce que les bouddhistes appellent attavada, la terrible hérésie de la séparation. Ils sont le reflet de l'erreur philosophique qui suppose que toutes les tendances, les désirs et les pensées constituent une sorte d'entité cohérente et persistante et, surtout, coupée du reste de l'humanité. C'est une illusion. Une telle entité n'existe pas. Aucun véritable sens de l'individualité ne peut être localisé dans cet agrégat de tendances chaotiques en constante évolution et de seconde main.

Au lieu de cela, cet agrégat de skandhas représente sa part karmique dans les accumulations collectives de tendances de toute l'humanité. Tous les êtres humains, pourrait-on dire, ont contribué à la croissance des mauvaises herbes, et chaque être humain a sa part des mauvaises herbes du monde à prendre en main et à arracher. En même temps, chaque être humain doit trouver et semer les graines de la sagesse et de la compassion. Cela ne peut être fait qu'en cultivant la patience et le pouvoir d'attendre, enracinés dans la volonté de travailler avec les cycles de la Nature. Comme le prophète l'enseigne dans l'Ecclésiaste, il y a différentes saisons, des temps pour semer et des temps pour récolter, des temps pour vivre et des temps pour mourir. Cela est vrai pour toutes les manifestations de l'amour, et les plus sages savent que l'amour le plus profond est au-delà de la manifestation. Comme l'écrivait Maeterlinck, il y a des silences amoureux d'une profondeur si ample que l'inexprimé coule avec une continuité ininterrompue à travers les barrières du temps et de l'espace. Cet amour plus profond est souvent perdu en raison d'un souci de ce qui peut être démontré, de ce qui peut être augmenté, atténué ou comparé. Pour récupérer le potentiel perdu de l'âme, il faut repenser ce qui est réel. D'un côté, il y a ce qui est universel et inclut tout ce qui est potentiel. De l'autre, il y a toute la collection de données particulières, épisodiques, expressions et manifestations finies. Aussi vastes qu'ils soient, ils sont finalement limités par rapport au contenu inépuisable d'amour et de lumière dans l'âme immortelle de tout être humain et au cœur de tout le cosmos.

En apprenant à penser de cette manière, on peut commencer à discerner l’immense beauté dans l'idée que chaque être humain est, par le simple fait de respirer, à la fois vivant et aimant. La plupart de cela est inconscient ou sans rapport avec des désirs ou des demandes spécifiques. Mais chez les êtres les plus sages, les maîtres de compassion les plus éclairés, cette respiration est consciemment bienveillante et universelle. Ayant pris conscience de l'énorme énergie potentielle au cœur du cosmos, ils sont capables de diriger et de canaliser habilement cette énergie vers un grand nombre d'âmes. Ils n'ont appris à aider des personnes particulières à des moments particuliers qu'à travers des vies d'essais et d'erreurs. Ils ont reconnu les multiples conséquences d'en faire trop ou de ne pas en faire assez. Par la pratique, sur des millions d'années et des myriades de vies, les Bodhisattvas deviennent intelligents et habiles dans l'application de la sagesse et de la compassion, de la lumière et de l'amour.

Pour pouvoir même comprendre de telles possibilités chez de tels êtres, et encore moins pour pouvoir avancer dans cette direction, il faut bousculer les divisions conventionnelles entre la tête et le cœur. On suppose souvent que c'est une bonne chose pour l'esprit de devenir plus vif, plus astucieux et plus intelligent. Il est également conventionnel de penser que le cœur est le domaine des sentiments. Ces deux notions sont basées sur des idées fausses. Dans les vêtements subtils des êtres humains, dans ce qu'on appelle le cœur spirituel, se trouve la base de la plus haute intelligence, idéation et créativité. Par conséquent, du point de vue spirituel, on ne peut activer aucun des centres supérieurs du cerveau à moins d'avoir d'abord généré une étincelle flamboyante dans le cœur spirituel. De nombreux êtres humains sont capables, sporadiquement, de débloquer des pouvoirs, des compétences et des éclairs de génie extraordinaires. Ces capacités intermittentes représentent une condition de déséquilibre qui est le reflet d'excès et de carences dans les vies antérieures. Ils s'accompagnent d'une frustration karmique de ne pas pouvoir exploiter et récupérer des connaissances consciemment, et ces individus ont de dures leçons à apprendre avant de pouvoir créer de nouveaux et meilleurs équilibres en eux-mêmes.

D'où l'importance, en particulier avec les enfants, de diminuer la concentration sur le mental qui n’est pas nécessaire, et de développer à la place un sentiment du cœur. Au lieu de favoriser une tendance obsessionnelle à évaluer le mental, on devrait encourager une conception évolutive de l'excellence en relation avec le cœur. Cela ne se produit pas automatiquement ; à moins de devenir intrépide et courageux, on ne peut pas libérer la puissance et la force spirituelle du cœur. Il faut éduquer le cœur dans la meilleure vérité que l'on connaisse. Cette vérité inclut la mortalité de son corps, l'immortalité de l'âme et les moyens de faire fonctionner cette âme immortelle dans un corps mortel. Il est crucial de donner aux enfants quelques-unes des vérités fondamentales de la Sagesse divine, et en particulier de leur apprendre non seulement à regarder les choses en fonction d'aujourd'hui et de demain, mais aussi en fonction de leurs plus belles impulsions et de leurs plus généreuses pulsions. Au cours d'une vie d'apprentissage, ceux-ci peuvent fournir la base d'une authentique intrépidité et d'une véritable universalité dans la compassion et l'amour. Il faut inclure dans son cœur des gens que l'on ne voit pas. Pour ce faire, il faut une imagination active, et finalement une capacité à visualiser l'ensemble de l'humanité. Cela implique un équilibre dynamique entre sa contemplation de tous les êtres qui existent sur cette terre et ses relations avec ceux qui sont à proximité.

En pratique, cela nécessite une simplification et un développement de la précision, qui est à l'origine de toute étiquette et de toutes les façons de faire. Il faut apprendre à ne pas en faire trop avec les gens qui sont immédiatement autour de soi. Faire moins, c'est faire plus. Ainsi on aura une belle occasion de se garder intact, sans tomber dans des syndromes d'attente excessive et de désillusion rapide. Tout en maintenant une plus grande stabilité dans les relations avec son entourage, on verra en même temps au-delà d'eux. On développera le souci de prendre sa place dans la famille de l'homme et de devenir ce qu'on appelle dans la tradition bouddhique un fils de la famille du Bouddha. Comme les Bodhisattvas et les Bouddhas, on devient disposé à penser en termes de service pour tous les êtres sur terre. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut contempler ou imiter en peu de temps. Au lieu de cela, il faudra un renouvellement répété. Cela aura un certain impact au moment de la mort et aussi un effet distinct sur le type de naissance que l'on aura dans la prochaine vie. Pas tout de suite, mais à terme, cela changera le courant et le tropisme, la tonalité et la coloration, de ses rapports variés aux habillages et à leur usage.

En acquérant cette précision, on deviendra plus libre, et en même temps mieux à même d'aider les autres êtres humains. L'esprit devient plus volontaire, plus dynamique et polyvalent en devenant le serviteur obéissant d'un cœur qui a trouvé une paix profonde en lui-même. Une fois que le cœur a découvert en lui-même son propre feu secret, il peut, par diverses formes de méditation et d'oblation quotidiennes, activer ce feu. Que l'on appelle cela le feu de la dévotion, des tapas, de la sagesse ou de la vérité, ce ne sont que des aspects différents de ce qui est finalement le feu des Mystères. C'est le feu qui représente la souveraineté auto-existante et immortelle de l'âme humaine individuelle. Elle est capable en principe de devenir un miroir conscient de l'ensemble du cosmos. Par conséquent, elle est également capable d'atteindre le sanctuaire le plus intime et d'impacter, d'apprendre, d'enseigner et d'aider tout ce qui existe. Cela nécessite un entraînement délibéré et systématique en raison des divers types, vitesses et niveaux de communication entre les êtres basés sur les vibrations du royaume du cœur. Plus on devient habile à utiliser les opportunités karmiques pour participer aux modes partiels d'amour et d'apprentissage de ce monde, plus on apprend à éclairer quelques êtres humains sur quelques sujets, tout en regardant sans cesse au-delà de son horizon vers le potentiel illimité en tous.

Finalement, on peut atteindre un point où l'on a le grand privilège de ne plus voir le mal et les limitations parce qu'ils ont perdu leur fascination. Ils ne sont en réalité rien de plus qu'une représentation grotesque de la confusion, de l'erreur et de l'illusion, basée en fin de compte sur l’attractivité de l'illusion. Ils sont futiles et myopes, ils sont de courte durée. Mais tant qu'il y aura ces caractéristiques dans autant d'êtres pris dans des considérations à court terme, le mal et les limitations seront aggravés. Alors qu'au début, ils peuvent ressembler à un monstre tout-puissant impressionnant, on voit plus tard que ce n'est pas vrai. C'est une forme de protection pour ceux qui sont sur le Sentier et concernés par le véritable travail de la race humaine. Ce travail est continu, bien que caché par un flot d'invisibilité, car la plupart des gens sont simplement pris dans les images et les sons extérieurs de la réalité. Ils sont captifs des exagérations de la forme, de la limitation et du mal. D'où l'importance, au niveau individuel, pour chaque être humain de dire, comme Jésus : « En arrière, Satan ». On ne peut pas dire cela pour les autres ; il faut le faire pour soi.

Tant qu'il y aura de la lumière, il y aura de l'ombre. Pourtant, tout être humain peut à tout moment détourner son visage de l'ombre et se tourner vers la lumière du soleil. Chaque fois que l'on est avec d'autres âmes, on peut se demander : "Est-ce que j'aime les autres plus que moi-même ? Est-ce que je prends moins et donne plus aux autres ? envers les autres humains ? Dans mon regard sur les autres humains, puis-je saluer le Divin en eux ? Puis-je apporter de la lumière et aussi être reconnaissant de la lumière que je reçois quotidiennement des autres ? En posant des questions de ce genre, on constatera que toutes les étapes du changement deviennent significatives. La vie devient non seulement digne d'être vécue, mais digne d'être consacrée. L'esprit et le cœur retrouvent l'immanence de l'idéal d'Amour et de Lumière sans limites.

Extrait d'Hermès, mars 1985. Cliquez ICI

Lisez L'HOMMAGE à Sri Raghavan Iyer Cliquez ICI

L'éditeur tient à remercier THEOSOPHY TRUST MEMORIAL LIBRARY

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